Les humeurs du Scribe en Lotus…

La posture du cocotier

   

Ecrire une brève dans les newsletters de l’ARY : cette idée fulgurante me traverse lors de l’AG du 25 février 2023. Posé dans une palmeraie, dominant l’historique baie de SaintPaul, le bâtiment du CREPS nous héberge en ce samedi d’été. Il nous donne de la hauteur. Nous sommes, tels des rois et des reines, presque au niveau des couronnes de feuilles qui coiffent les stipes des jeunes cocotiers (les patriarches sont hors d’atteinte).

Intéressant, ce cocotier. L’étendard végétal de nos tropiques. A peine prend-t-on encore le temps de le contempler dans nos quotidiens qui défilent à la hâte, où se figent dans les bouchons. Pourtant…

Il remue ses palmes aux Alizés avec une grâce des temps premiers. Elles m’ont fourni une  ombre salutaire lors de la séance de vinyasa yoga offerte par Caroline à l’heure du midi, ce matin-là…

Ce sont les marins de Vasco de Gama qui, lors d'un voyage en Indianocéanie, auraient donné son nom à la plante. Le terme Cocos (du portugais [coco] = singe ou fantôme) ferait référence à cet étrange visage de paréidolie, matérialisé par les trois pores germinatifs, qui apparait sur
la noix une fois débarrassée de sa bourre. D’où le nom botanique de Cocos nucifera (également du latin « nux fero », porteur de noix), attribué à notre fidèle cocotier…

- Tu es tombée sur le coco, ma fille ! me dit ma petite voix intestine, qui ne voit pas du tout où je veux en venir.

- Ma tête va très bien, je lui réponds. J’étudie le sens de la Vie. Celui qui nous pousse, inexorablement, de la graine au fruit à travers les épisodes de notre existence. Tout est dans tout ! je rajoute en rabaissant son clapet ; cela lui apprendra de me faire des remarques à la noix alors que je suis en pleine germination créative.

Les voies de la création sont impénétrables. Elles sont comme une séance de yoga : on sait comment on y pénètre, mais qui peut dire ce qu’on sera à l’issue ? Alchimie mystérieuse ! Le yoga, en forçant notre présence au « Je Suis », est un coup de pouce à l’accomplissement de notre œuvre d’art. Notre artiste intérieur nous débarrasse de nos branches mortes : on s’allège. On pousse ! Croissance…

Le tronc de notre cocotier porte des marques régulières : chaque feuille qu’il a produite a laissé une cicatrice en forme de croissant. Les marques de sa vie. Mais il grandit, encore et toujours. Résilience...

Au cœur de notre Cocos nucifera est un bourgeon unique qui fabrique l'individu dans son ensemble : feuilles, inflorescences, fruits. Ce germe fonctionne en continu : le cocotier pousse donc inexorablement, jusqu’à sa mort. Son cœur est son unique moteur ; vienne un insecte qui le ronge de l’intérieur, et notre étendard retournera à mère Gaïa. Cycle…

Nous sommes tous des nux fero, des porteurs de noix. Au centre de notre fruit  primordial se love une blancheur immaculée, que nous passons notre vie à tenter de retrouver…

Par ma fenêtre, je contemple deux cocotiers qui dégoulinent de leurs palmes alourdies par une ondée de mousson, alors que revient le soleil. La petite voix s’est tue et moi, je bois l’eau magique du coco.

La posture de l’arbre ? Terminé !

A La Réunion, à présent, cela sera la posture du cocotier !

 

 « Pensez moins, soyez plus ».

Yodalex

« L’heure passe et sur le sol les cocotiers s’épanouissent, Avec d’obscurs frissons et de lentes délices,

Ils aspirent la vie aux limbes de la terre, puis au vide ébloui du ciel…»

Robert E. Hart, La Palmeraie

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